Un peu étrange de parler de cette B.D. en écoutant du Groundation, mais bon tant pis, je vais quand même faire de mon mieux pour me mettre dans l'esprit qui convient.
"Maus" est un témoignage, celui du père d'Art Spiegelman, Vladek. Celui-ci, juif survivant de l'Holocauste, raconte son histoire à son fils, comment il s'est adapté, comment tout fonctionnait pendant cette période: en bref, la manière dont il a survécu.
Le style graphique décelé sur la couverture, qui est le même que sur les pages (Oui, je précise parce qu'il nous arrive à tous d'avoir des surprises à ce niveau là, souvent mauvaises d'ailleurs), peut faire passer cette oeuvre comme quelque chose de léger ou d'enfantin. Or, il n'en est rien : Ce n'est pas une bête histoire sur la guerre racontée de manière larmoyante (voir "La Rafle") ou nationaliste (Voir les films de guerres américains), c'est un témoignage direct et sans fioritures. Art Spiegleman alterne magistralement les scènes "de l'histoire" et les scènes dans lesquelles il raconte comment il a recueilli les souvenirs de son père.
Le style a priori enfantin permet une identification des personnages par le biais d'animaux : Les juifs sont les souris, les allemands les chats, les polonais (plutôt communistes) les cochons et les américains les chiens (Les chiens chassent les chats qui chassent les souris). Ce choix, outre le fait de rendre les personnages bien identifiables, permet certaines trouvailles comme le fait que les juifs portent, par exemple, un masque de cochon pour obtenir des faveurs.
On ne fera pas l'erreur, donc, de le voir comme une oeuvre légère. C'est un sujet lourd, et l'auteur lui-même avoue sa difficulté à le saisir totalement, et par cela à comprendre son père (Son attachement aux biens matériels, son obsession de l'économie...etc...). C'est deux visions de la vie, deux époques opposées qui vont s'affronter. Celle d'un survivant qui a dû se priver et se battre pour survivre pendant des années, et celui d'un fils qui est arrivé "après", qui a toujours été ménagé et mis hors de tout ça.
C'est un courage rare que d'avouer sa difficulté à saisir son sujet, et ici se situe le morceau de bravoure de l'auteur: Il nous relate ce que lui a raconté son père au mieux, en avouant et utilisant sa difficulté pour renforcer son propos.